Dans un chapitre qui n'a fait qu'aborder des sujets scientifiques, une discussion sur les « fables » pourrait sembler déplacée. Mais nous la maintenons intentionnellement dans cette section parce que « l'histoire précise », mentionnée aussi bien dans la Bible que dans le Coran est une « science » dans son sens le plus large. Le Dr Bucaille prétend que la Bible, et principalement la Torah-Ancien Testament ne rapporte pas l'Histoire de manière fiable et précise, mais fait état des fables et des résultats de l'imagination des hommes. A la page 17 de son livre, sous le titre Origine de la Bible il écrit ceci :
L'affirmation que le livre des Juges provient non d'une révélation, mais « d'une fonction fabulatrice » est une affirmation percutante. Car, pour les chrétiens qui croient à la révélation, le livre des Juges, qui contient la « fable » précédemment évoquée, n'en raconte pas moins des faits réels qui se sont produits au 12° siècle av. J.-C., après l'exode et lors de la conquête de Canaan. A en croire E. Jacob, c'était une époque où l'écriture n'existait pas encore et où « l'histoire devint vite fable » . Mais le lecteur se souvient qu'au chapitre II de la deuxième section, nous avons montré que l'écriture est attestée dans cette région, au moins en 2300 av. J.-C. et que durant le 13e siècle av. J.-C. cinq écritures différentes étaient en usage en Canaan. De toute évidence le grand spécialiste qu'est E. Jacob fait erreur sur ce point. Examinons de près cette soi-disant « fable » dans son contexte de sorte que le lecteur puisse former son jugement personnel. D'après Juges 6, Dieu avait donné l'ordre à Gédéon, fils de Joas, de renverser l'autel que son père avait érigé en l'honneur de Baal, une divinité païenne, et de bâtir un autel à l'Eternel, Yahweh Elohim. Gédéon s'exécuta. Le lendemain les hommes de la ville vinrent trouver le père de Gédéon et lui dirent :
Joas répondit :
Les chapitres 7 et 8 rapportent comment Dieu s'est servi de Gédéon aidé de 300 hommes seulement pour semer la panique dans le camp madianite, fort de plus de 100 000 hommes, au point qu'ils s'entre-tuèrent en voulant sortir du camp, en pleine nuit. Après cette retentissante victoire, Gédéon retourna chez lui à Ophra où il vécut quarante ans. II avait eu soixante-dix fils de ses femmes et un autre, nommé Abimélec, de sa concubine qui vivait à Sichem. Après la mort de Gédéon, Abimélec s'adressa aux habitants de Sichem en ces termes :
En entendant ces paroles, les habitants de Sichem décidèrent de suivre Abimélec qui, fort de ce peuple, « vint dans la maison de son père à Ophra et tua ses frères, fils de Jerubbaal - soixante-dix hommes - sur une même pierre. II ne resta que Jotham, le plus jeune fils de Jerubbaal, car il s'était caché. Tous les notables de Sichem et toute la maison de Millo se rassemblèrent et allèrent introniser Abimélec comme roi... » (Juges 9.5-6). La fable de Jotham
Dans ce même chapitre 9, nous apprenons que trois ans plus tard, Abimélec fit passer au fil de l'épée tous les hommes de Sichem, puis « il renversa la ville, et y sema du sel ». Quelques jours s'écoulèrent et Abimélec lui-même fut tué par une femme qui lança sur sa tête un morceau de meule de moulin. La prophétie de Jotham s'était accomplie (Juges 9.45-57). Posons-nous la question : ce récit est-il une fable au sens « d'histoire devenue fable » ? Le dictionnaire Larousse définit ainsi la fable :
De toute évidence, la fable proposée par Jotham comporte un enseignement moral. C'est donc bien une fable, en vertu de la première définition. Mais ce récit n'est pas « histoire devenue fable ». La fable est incluse dans le récit, mais reste dictincte de l'histoire proprement dite. Quand le Dr Bucaille se sert du mot « fable », en citant E. Jacob et assimilant la Torah-Ancien Testament à la Chanson de Roland, il donne au mot « fable » la deuxième définition. Il affirme que ces récits n'ont pratiquement aucune valeur historique. Mais s'il peut lancer de telles affirmations, c'est parce qu'en Europe si peu de lecteurs sont familiarisés avec la Bible pour pouvoir réfuter ses arguments. Dans le récit qui nous occupe, il est clair que Jotham, le fils survivant, se sert de la parabole pour déclarer que ceux qui ont exterminé ses frères s'extermineront eux-mêmes. Assimiler ce qui est « fable » dans ce récit à un « mythe » est une grossière erreur. La véracité de ce récit a été confirmée par l'archéologie. Voici ce qu'écrivait, en 1968, le Dr Siegfried H. Horn, professeur d'Archéologie à l'Université d'Andrews, à Berrien Springs, dans le Michigan :
Récits historiques dans le Coran : fables ?Salomon et la reine de Saba (Sheba)Le récit se trouve dans la Sourate des Fourmis (Al Nam1 ) 27.15-44, de la période mecquoise intermédiaire :
Que dire d'un tel récit qui fait parler les oiseaux et les fourmis, qui fait intervenir des géants et des djinns, et qui propulse le trône en « un clin d'oeil » ? Hamidullah a précisé dans une note qu'un éfrit est « une espèce de diable malfaisant que l'on rencontre dans maint récit fabuleux » . L'adjectif « fabuleux » , contrairement au nom, ne connaît qu'un seul sens : imaginaire, mythique, extraordinaire, chimère. Que nous dit la Bible au sujet de Salomon en relation avec les animaux et les oiseaux ?
Dans son livre, L'homme d'où vient-il, le Dr Bucaille écrit :
Le lecteur musulman placerait probablement le récit que nous avons extrait du Coran sous la rubrique : « fable avec enseignement moral » . Mais il ne semble pas que le Coran lui-même présente ainsi ce récit. Il est vrai que la narration est chargée d'un enseignement moral ; cependant, les conversations et les faits du récit proprement dit, ainsi que ceux qui le précèdent et ceux qui le suivent, sont présentés comme des éléments d'une histoire vraie. Le récit de Moïse et du buisson ardent, rapporté dans la même Sourate, juste avant celui de Salomon et de la reine de Saba, est considéré comme une histoire vraie, aussi bien dans cette Sourate qu'ailleurs dans le Coran. Les récits de Sâlih se rendant vers les Thamoud et de Lot s'adressant à son peuple, récits qui font suite à celui de Salomon et de la reine de Saba apparaissent dans cette Sourate comme des histoires vraies. Ajoutons encore que les versets 59 à 66 font appel à la nature pour prouver la grandeur de Dieu ; il y est notamment fait allusion à la « barrière » entre deux sortes d'eaux, texte auquel le Dr Bucaille fait référence comme preuve de la préconnaissance de la science que possède le Coran. Dans le récit de Yotam que nous avons rapporté plus haut, il y a un changement bien clair entre les différentes parties du récit, entre le compte-rendu historique de la mort des 70 frères de Yotam et sa parabole des arbres. Le narrateur et ses auditeurs savaient qu'il s'agissait d'une parabole chargée d'une leçon morale. Le récit coranique de Salomon et de la reine de Saba s'inscrit dans un contexte d'histoires racontées, sans la moindre indication de changement de genre littéraire. De plus, on peut se demander pourquoi le Dr Bucaille, si empressé de trouver des « sources » aux récits bibliques n'a pas adopté la même attitude en face de ces récits coraniques. Il aurait trouvé une mine de renseignements dans des ouvrages tels que The Sources of lslam de St. Clair-Tisdall. Il aurait appris que ce récit s'était répété parmi les juifs et qu'il était rapporté dans le 2e Targum du livre d'Esther qui ajoute que la reine avait des jambes aussi poilues que celle d'un homme. Ce détail, non rapporté dans le Coran est pourtant inclus dans les traditions musulmanes de l'Araish a1 Majalis4. La mort de SalomonDans le cadre de cette section, examinons aussi le récit de la mort de Salomon telle qu'elle est rapportée dans la Sourate de Sabâ' 34.12-14, de la période mecquoise primitive :
Résumons. Le grand roi Salomon, appuyé sur sa houlette, surveille les djinns, comme un contremaître les cantonniers en train de réparer une route. Il meurt, appuyé sur son bâton. Aucun des serviteurs qui lui préparaient les repas, aucun des généraux qui venaient chercher ses directives, aucun de ses courtisans, aucune de ses huppes, personne ni rien ne prête la moindre attention à sa mort, jusqu'à ce qu'un vermisseau ronge sa houlette et que le cadavre s'étende de tout son long sur le plancher ! Quels mots emploierait le Dr Bucaille pour décrire ce récit, s'il se trouvait dans la Bible ? I1 parlerait de l'invraisemblance de ce passage. Il le qualifierait de « fantasmagorie » 5, « art de faire apparaître des spectres, des fantômes, par des illusions d'optique » (Larousse). Face à ce récit, comment se présente la narration biblique ? Dans 1 Rois 5.29-30, il est écrit :
Mais l'obstacle majeur que présente ce texte coranique, c'est l'image qu'il donne de Dieu. Est-il concevable que le Dieu Tout-Puissant, Créateur des cieux et de la terre et de tout ce qu'ils renferment, puisse faire travailler les djinns en les mystifiant ? La même question surgit à propos de la crucifixion de Jésus. Est-il concevable que le Dieu grand et glorieux, qui est appelé « la Vérité » puisse faire croire à « un semblant » de crucifixion ? Dans la Sourate de la famille d'Amram (Al `Imrân) 3.52-53, de l'an 2 ou 3 de l'Hégire il est clairement dit que les disciples de Jésus croyaient en lui. Le verset 54 poursuit ainsi :
Le mot « ruser » (makir ) est un mot très fort que Wehr et Abdel-Nour définissent comme « sournois », « hypocrite », « astucieux », « malin » 6. Le Munjid arabe-arabe le définit par le mot khuda`a qui a exactement le même sens. D'a près l'Evangile les chefs juifs ont rusé pour arrêter Jésus en secret, de manière à éviter des troubles. Mais pourquoi Dieu leur permettrait-il de penser qu'ils ont réussi dans leur entreprise ? Et pourquoi se désignerait-il lui-même comme « le meilleur de ceux qui rusent » en enlevant Jésus secrètement ? Ce comportement trompe aussi les plus intimes disciples de Jésus, ces disciples que le Coran se plaît à présenter comme « ceux qui croyaient en lui ». Est-il concevable que le Dieu Vrai puisse agir ainsi ? Les descriptions « incroyables » de MatthieuDans le chapitre intitulé Les quatre évangiles, leurs sources, leur histoire à la page 70, le Dr Bucaille écrit ceci :
Examinons l'un de ces passages qualifiés d'« incroyable ». Dans l'Evangile selon Matthieu, en 27.50-53, nous lisons :
Le Dr Bucaille reproche d'abord à ce récit « de n'avoir pas son pareil dans les autres évangiles ». C'est vrai. Mais le même reproche peut s'adresser au Coran qui ne dit qu'une seule fois, dans une seule Sourate, que Jésus ne mourut pas. Deuxième critique : « On voit mal comment les corps des saints en question aient pu ressusciter lors de la mort de Jésus (la veille du sabbat, disent les évangiles) et ne sortir de leurs tombeaux qu'après sa résurrection (le lendemain du sabbat, selon les mêmes sources).» Que répondre ? Malgré l'impression « d'incroyable » que laisse ce récit, nous devons accorder le bénéfice du doute à l'auteur. Matthieu n'avait sans doute pas l'intention de nous faire croire que ceux qui étaient ressuscités étaient restés assis dans leurs tombes froides, grelottant du vendredi au dimanche matin. Je suis persuadé que l'évangéliste a voulu faire comprendre à ses lecteurs que les tombes se sont ouvertes le vendredi, mais que les corps ont été ressuscités le dimanche matin, en même temps que celui du Christ, comme preuve de sa grande victoire sur la mort. Quoi qu'il en soit, comparé à l'histoire de Salomon et ses oiseaux-parlant et ses « efrits de djinns », ou à la narration de son corps appuyé sur sa houlette, le récit biblique est un joyau de précision, digne du 20e siècle. La façon dont le Dr Bucaille analyse ce récit est indigne de lui. La vérité est la suivante : bien que la révélation se soit faite dans la Torah-Ancien Testament et dans l'Evangile-Nouveau Testament dans les termes caractéristiques des cultures et des peuples qui l'ont écrite et reçue, l'inspiration divine par le Saint-Esprit a préservé les prophètes de l'Ancien Testament et les disciples de Jésus d'y inclure les idées mythologiques grotesques et le polythéisme des Babyloniens, des Grecs et des Romains. ConclusionTout au long de ce chapitre, nous avons vu comment le Dr Bucaille et d'autres se sont servis de présupposés pour concilier les divergences internes du Coran. Le Dr Bucaille doit accorder le même droit et la même liberté à ceux qui aiment la Torah-Ancien Testament et l'Evangile-Nouveau Testament. Lorsque des chrétiens suggèrent que Matthieu fait remonter la généalogie de Jésus par Joseph, et Luc par Marie, chacun est libre de penser que cette explication n'est pas convaincante. Mais le Dr Bucaille est mal placé pour accuser les chrétiens d'être aveugles et d'employer des moyens détournés en faisant de tels présupposés dans leur but de surmonter une difficulté, car lui-même a adopté de nombreux présupposés dans son ouvrage. Prétendre que les chrétiens ont refusé d'admettre qu'il y avait un problème n'est même pas juste historiquement parlant. Eusèbe de Césarée (265-339), l'évêque chrétien de Palestine et auteur d'une « Histoire de l'Eglise », a mentionné ce problème et a propose la solution indiquée plus haut. Si le Dr Bucaille se fait un point d'honneur d'avoir appris l'arabe pour pouvoir lire le Coran dans l'original, alors il a certainement lu le passage de la Sourate de l'Araignée (AI `Ankabüt) 29.14 qui déclare :
Pourquoi, alors, écrit-il :
Si « 969 ans » est une durée de vie incroyable pour la Bible, une durée de vie de « 950 ans » l'est aussi pour le Coran ; si on peut croire aux « 950 ans » du Coran, on peut aussi croire aux « 969 ans » de la Bible. Nous devons conserver le même système d'appréciation pour les deux livres. Nous n'avons pas pour autant résolu parfaitement le problème de la généalogie qui remonte à Adam. Dans son livre Révélation des Origines, Henri Blocher consacre trois pages à présenter et à discuter quatre stratégies possibles en faisant remarquer : « Elles ont toutes leurs inconvénients, et ainsi le problème reste posé ,».9 Mais, compte tenu de toutes les preuves archéologiques en faveur de l'historicité de la Torah et de l'Evangile, compte tenu des miracles accomplis par Jésus et des prophéties réalisées - et qui confirment la véracité de l'Evangile, il est prudent d'attendre que de futures études et de futures découvertes viennent combler nos lacunes présentes. En 1947, nul n'aurait imaginé un seul instant qu'en 1948 on découvrirait des fragments du Lévitique (un des livres de la Torah de Moïse), recopiés plus de 200 ans avant que Jésus le Messie ne vienne fouler le sol de notre terre, et parfaitement identiques à ceux de la Torah « qui est entre nos mains » aujourd'hui. Ces fragments prouvent clairement que la Torah n'a jamais été altérée.
1Bucaille, La Bible, le Coran et la Science, p. 17.[retourner au texte] 2Récente contribution à l'étude de l'A.T , Christianity Today, 21 juin 1968, p.15.[retourner au texte] 3Bucaille, L'homme, p. 161.[retourner au texte] 4Op. cit. Voir texte, T. & T. Clark, 38 George St. Edinburgh ; réimpression par Birmingham Bible Institut Press, Birmingham, pp. 24-29.[retourner au texte] 5Bucaille, La Bible, le Coran et la Science, p. 239.[retourner au texte] 6Wehr, op. cit., p. 917. [retourner au texte] 7Bucaille, op. cit., p. 70.[retourner au texte] 8Bucaille, L'homme, p. 153.[retourner au texte] 9Op. cit. , dans le texte, pp. 228-230.[retourner au texte] |